Shahana Rajani

© Shahana Rajani

L’artiste Shahana Rajani utilise des modes de recherche qui s’appuient sur la coopération et l’engagement communautaire. Sa pratique s’articule autour des aspects visuels et de l’impact culturel et écologique de projets d’infrastructure. L’installation vidéo Four Acts of Recovery [Quatre actes de guérison] suit une famille de pêcheurs qu’une catastrophe environnementale sans précédent, causée par des barrages et de grandes infrastructures hydrauliques, a forcée à quitter sa maison ancestrale de Mul Creek, dans le légendaire delta de l’Indus. Vivant désormais à Karachi, l’une des mégapoles du monde, les membres de la famille se tournent vers la pratique du dessin et de la peinture murale pour maintenir une relation sacrée avec leurs sanctuaires et leur terre natale en voie de disparition. Car les zones humides du delta de l’Indus se sont formées et ont subsisté par la rencontre du fleuve et de la mer. Un dense réseau de sanctuaires et de saints aquatiques veille sur cette union sacrée. Or, les régimes impériaux de l’eau ayant profané et segmenté l’Indus à l’infini en barrages, digues et canaux, le fleuve n’atteint plus le delta, ce qui a entraîné une érosion radicale et sa submersion par la mer. Plus d’un million de personnes, soit 70 % pour cent des habitants du delta, ont été contraintes de partir, parce que leurs terres ancestrales disparaissaient. Contrairement à l’approche coloniale qui consiste à dessiner des cartes pour fixer et contrôler, la pratique communautaire de la peinture de paysages est un rituel sacré de recherche et de lien. Elle s’inspire d’une tradition ancienne de la culture islamique qui consiste à dessiner des talismans offrant protection et insufflant vie à un monde menacé. L’œuvre peut être considérée comme la convergence de trois cultures visuelles. En premier lieu, les violentes technologies visuelles du capitalisme qui effacent du paysage ses cultures traditionnelles et son écologie. Deuxièmement, l’iconographie des traditions sacrées anciennes et nouvelles de l’islam mystique qui deviennent des actes de résistance. Enfin, l’art contemporain, dans lequel Four Acts of Recovery met en lumière la visualité nouvelle au milieu de la violence, et la beauté au milieu de grandes difficultés.


Four Acts of Recovery, 2025
2 vidéos monocanales, 17:40 min. 
Série de petits sanctuaires et de peintures marines, livrets 
Courtesy de l'artiste, collection M HKA
Soutenu par la Han Nefkens Foundation en partenariat avec Prameya Art Foundation/PRAF, Delhi ; le Musée d’Art Contemporain d’Anvers (M HKA) ; Nottingham
Contemporary ; Ishara Art Foundation, Dubaï ; le Musée d’Art Contemporain de Tokyo/MOT ; et Para Site, Hong Kong.